Philippe DELERM : Quelque chose en lui de Bartleby
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(par Alexandra)
C’est le titre du roman qui a aiguisé mon intérêt, car Bartleby, ce héros de Melville devenu l’incarnation d’une résistance passive (et quelque peu absurde), est à l’origine du fameux «I’d prefer not to» énigmatique et fascinant qui divise depuis longtemps le monde de la critique littéraire…
J’ai pris un grand plaisir à la lecture de ce roman (celui de Delerm, j’entends), me découvrant bien de points en commun avec le personnage principal, Arnold Spitzweg, même si je ne suis pas seule comme lui, et que ma vie n’est pas forcément un long fleuve tranquille comme la sienne…
Arnold Spitzweg, donc. Employé à LA Poste, «discret jusqu’à l’effacement» (je cite la 4è de couverture), il résiste longtemps à Internet avant de devenir un fervent blogueur … «www.antiaction.com» : le nom de son blog en dit long sur sa nature ! Il y publie toutes sortes de réflexions inspirées par ses flâneries parisiennes. Rien d’extraordinaire ou de grandiloquent. Du quotidien… observer les changements dans les squares au moment de la rentrée scolaire… admirer au petit matin quelques chinois qui pratiquent le tai-chi… s’arrêter, un soir d’été, dans la cour de son immeuble, le sac poubelle à la main, pour écouter les bruits provenant des fenêtres ouvertes des différents étages … Abolir le temps et, comme Spitzweg le formule lui-même, se fondre dans le décor, faire son propre vide : devenir «un soir d’été», à l’instar de Brel…
Sa philosophie de la lenteur trouve un large écho sur le web, mais plus on l’applaudit, moins il se sent libre d’écrire ce qu’il a envie d’écrire, plus il «préférerait ne pas…»
Comme tous ces lecteurs enthousiastes de son blog, moi aussi, je suis tombée sous le charme de cette poésie du quotidien, de cette façon de s’arrêter et de s’assoir pour regarder vraiment, de ce don de déceler de la profondeur et de donner du relief là où l’on ne soupçonnerait que du futile.
(paru en format poche chez FOLIO)