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20 mai 2013

Jérôme FERRARI : Balco Atlantico

 

Ferrari - balco atlantico

(par Alexandra)

Parler de ce livre n’est pas facile ! Trop de choses à en dire !

Je l’ai trouvé superbe. Des personnages touffus, une langue ciselée, prenante, envoûtante qui nous emporte d’un bout à l’autre dans les abîmes de l’âme des protagonistes…

Le cadre extérieur : la Corse des années 1990, le milieu des nationalistes, un petit village où tout le monde se connaît et se retrouve dans le café de Marie-Angèle.

Il y a trois narrateurs qui alternent et portent leur regard sur les événements en les éclairant sous un angle différent. L’histoire commence par la fin et nous est dévoilée à rebours, avec une construction très habile où les fils narratifs s’enchevêtrent et s’emmêlent pour nous tenir en haleine malgré l’issue connue.

Cette issue, la fin et le début du roman donc, c’est l’assassinat d’un chef nationaliste, Stéphane Campana alors qu’il se rend au café du village pour y retrouver Virginie, sa maîtresse.

Personnage terrible, ce Stéphane Campana. Ayant décidé de devenir nationaliste pour attirer le regard des filles, il entame une irrésistible ascension : se faisant d’abord propagandiste du mouvement, il en crée l’histoire en la réécrivant pour ses besoins et sans se préoccuper le moins du monde de l’objectivité. Convaincu d’être une « âme victorieuse », il finit par se prendre pour Dieu et s’arroge le droit de tuer sans conscience ni sentiment de culpabilité. Les rapports qu’il entretient avec Virginie sont plus qu’ambigus (décrits comme « malsains » par les gens qui les entourent) : amour fou ou besoin de se voir adulé comme « un héros d’épopée, un chevalier, un saint guérisseur des premiers jours de la Chrétienté qui se dressait en face de la mer contre les hordes déferlantes des guerriers de l’Islam, galopant sur les flots, un saint meurtrier et purificateur, entouré de lâches et de pécheurs, que son pouvoir de donner la mort avait élevé à une hauteur si inconcevable qu’il y côtoyait la Divinité impassible… » (ceci pour le stye !!!)

Stéphane Campana permet par ailleurs à l’auteur d’écorner au passage les milieux indépendantistes corses, ces jeunes « fanfarons » ringards, un peu perdus, et auxquels le nationalisme a donné un idéal (même si « personne ne se souciait de savoir sur quoi portaient les revendications »), un sens à leur vie, avant de subir des scissions et de sombrer dans des luttes fratricides.

Ces tensions souvent violentes, Théodore Moracchini, autre « gros » personnage du roman, les ressent jusque dans sa salle de cours de l’Université de Corte où il enseigne l’ethnologie. Lui n’a rien à voir, à l’origine, avec ces milieux. Il est venu en Corse pour fuir sa femme, des femmes … qui le traitent toutes invariablement de salaud. C’est un homme à première vue cynique, mais qui a en réalité de gros problèmes d’ordre psychologique. Il souffre « d’excès de mémoire », d’hallucinations, pendant lesquelles, selon ses propres paroles, il « côtoie l’infini et risque à tout moment de s’y dissoudre ». Il est désespérément seul devant les morceaux de sa vie, de son passé, car il ne sait jamais s’ils sont réels ou non…

Tout ce petit monde est observé avec une distance désabusée par Vincent Léandri, ancien grand voyageur ayant épousé un temps la cause nationaliste. Lui aussi « dérive dans la solitude ». Désormais sans illusions sur ses compagnons politiques, il n’a plus envie de s’engager, il est las de tout : « Il lui semblait que quelqu’un gommait les contours du monde. Ce n’est pas l’enfer, ce n’est pas la damnation, on ne souffre pas, ou, si c’est l’enfer, ignorer qu’on est damné fait partie du châtiment, car l’âme est simplement perdue et les choses gisent, exsangues, dans un univers sans contours. » Mais contrairement à Stéphane Campana, Vincent reste humain, retrouvera son âme…

Voilà. J’ai choisi de ne parler que de ces trois personnages qui m’ont marquée particulièrement. Il y en a d’autres, tous aussi complexes, tous aussi forts…

C’est un « petit » livre de 180 pages, mais quel contenu, quelle portée ! On pourrait en parler pendant des heures ! Et d’ailleurs, même si j’en ai parlé assez longuement, je n’ai absolument rien dévoilé qui puisse enlever le suspens …

C’est vrai, je suis impressionnée. Je ne connais pas encore l’œuvre de Jérôme Ferrari, mais je sens que je vais m’y atteler incessamment sous peu…

(paru en format poche chez BABEL) 

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